Les solides poreux

Vous avez dit poreux ?

Qu’est-ce qu’un solide poreux ?

Un solide poreux est un composé constitué d’un squelette solide qui laisse apparaître des espaces vides - les pores - disposés régulièrement ou non. La surface interne créée par la présence de pores permet une communication avec l’extérieur en laissant passer les gaz ou les liquides, ou en permettant à d’autres molécules de se loger dans les pores. C’est donc la présence de cette porosité qui confère aux solides poreux certaines de leurs propriétés hors du commun.

Différents solides poreux pour des applications multiples

La taille des pores peut varier de moins d’un nanomètre (soit  10–9 mètres) à plusieurs millimètres. On parle de solides microporeux si la taille des pores est inférieure à 1 nanomètre, de mésoporeux entre 1 et 50 nanomètres et de solides macroporeux au-delà.

Les solides poreux diffèrent également par leur composition chimique. Les zéolithes – pierre qui bout en grec – sont des solides poreux inorganiques. Mais il existe également des solides poreux organiques comme le charbon actif. Enfin, des solides hybrides, dont le squelette est composé à la fois de parties inorganiques et organiques liées exclusivement par des liaisons fortes, ont été développés depuis les années 1990.

La structure d’un solide poreux peut être ordonnée, cristalline, ou désordonnée, amorphe.

La taille, le volume et l’organisation des pores ainsi que la composition et la surface interne de ces solides les rendent propices à de multiples applications, allant du raffinage pétrolier à la vectorisation de médicaments en passant par la dépollution des sols et le stockage de chaleur.

Quelques exemples de « poreux »

Zéolithes

En 1756, le minéralogiste suédois Axel Fredrik Cronstedt observe qu’en chauffant certains minéraux naturels, ceux-ci se couvrent de bulles, comme s’ils bouillaient. Cronstedt donne alors le nom de « zéolithes » à cette famille de composés.

Un siècle plus tard, en 1862, Henri Sainte-Claire Deville, synthétise le premier homologue des zéolithes. Mais c’est seulement en 1930 que Linus Pauling explique le phénomène observé par Cronstedt en établissant la structure cristalline des zéolithes par diffraction des rayons X.

Très vite, les industriels se servent de ces solides comme tamis moléculaires, échangeurs d’ions, catalyseurs, adsorbeurs de gaz. Les zéolithes sont par exemple utilisées comme catalyseur dans le craquage du pétrole et le raffinage des huiles lourdes. Ce sont aussi des zéolithes qui permettent la captation du calcium dans les lessives sans phosphates, qui représentent aujourd’hui le plus gros tonnage d’utilisation de ces solides.

Matériaux poreux du génie civil

Les matériaux de construction comme le béton ou le bois, mais aussi les sols, sont des matériaux poreux désordonnés. L’étude de leur porosité des échelles microscopiques aux macroscopiques permet à la fois le développement de nouveaux matériaux de construction, la sécurisation du stockage des déchets nucléaires, la faisabilité du stockage souterrain de CO2 et l’optimisation énergétique des habitats.

Les propriétés de résistance des bétons et leur durabilité (c’est-à-dire, leur capacité à résister aux agressions et sollicitations auxquels ils sont soumis) sont gouvernées au premier ordre par leur porosité : moins le béton est poreux, plus il est résistant et durable. C’est en développant des bétons aux porosités optimisées jusqu’à l’échelle nanométrique qu’il a été possible d’atteindre des résistances et des durées de vie inédites, permettant la construction d’ouvrages exceptionnels tels que le tunnel sous la Manche ou le viaduc de Millau.

Les roches souterraines sont poreuses. Mieux comprendre la manière dont les fluides peuvent être accueillis dans leur porosité aide à envisager différents scénarios pour le stockage souterrain du CO2, que ce soit dans des bassins pétroliers déplétés, dans des veines de charbon profondes, ou dans des aquifères salins.

Le projet français de centre de stockage profond de déchets nucléaires Cigéo a été conçu pour être hébergé dans une argilite. Comme toutes les roches souterraines, cette argilite est poreuse. Mieux comprendre la structure poreuse de cette roche et la manière dont elle est altérée par les sollicitations auxquelles elle est soumise permet de mieux comment leur perméabilité devrait évoluer au cours du temps, et donc contribue à la sécurisation du stockage.

La laine de verre est utilisée dans les bâtiments comme isolant thermique. Mais, si la laine de verre isole si bien thermiquement, ce n’est pas parce que la fibre de verre elle-même est isolante (bien au contraire, elle est très bonne conductrice de chaleur !), mais parce que la laine est très poreuse et contient donc beaucoup d’air, qui lui est un bon isolant !

MOF

Depuis les années 1990, la mise au point de nouveaux solides poreux hybrides ou MOF, du terme anglais Metal-Organic Framework, a ouvert de nouvelles perspectives. Leurs tailles et leurs propriétés sont en effet extrêmement modulables, démultipliant les possibles utilisations au service notamment de l’environnement et de la santé.

La réduction des émissions de CO2 est un enjeu majeur de nos sociétés. Mais les méthodes actuelles de capture de CO2 sont peu efficaces et extrêmement énergivores. L’utilisation de MOFs pour la capture du CO2 est une alternative bien plus efficace et plus respectueuse de l’environnement. De manière générale, le potentiel pour le stockage de gaz est énorme. La surface interne d’un gramme de MOFs peut dépasser 7 000 m² et donc absorber de très grandes quantités de gaz, dont la libération peut ensuite être contrôlée.

Dans le domaine de la santé, les MOFs sont extrêmement prometteurs pour l’imagerie médicale ou la vectorisation de médicaments en encapsulant des agents magnétiques et/ou des molécules thérapeutiques. Ces MOFs non toxiques et biodégradables sont conçus pour n’atteindre que la zone cible (tissu ou organe malade), améliorant à la fois le diagnostic et le traitement.

Biomatériaux

Un biomatériau est matériau non vivant, utilisé dans un dispositif médical et conçu pour interagir avec des systèmes biologiques, qu’il participe à constitution d’un appareillage à visée diagnostique ou à celle d’un substitut de tissu ou d’organe, ou encore à celle d’un dispositif de suppléance (ou assistance) fonctionnelle. Certains polymères prennent la forme de gels ou de mousses dont la structure poreuse est étudiée et utilisée pour améliorer la colonisation par les cellules et fonctionnaliser les biomatériaux avec des molécules permettant une meilleure survie des cellules.